jeudi 20 décembre 2012

La fiscal cliff, ou le casse tête budgétaire américain

            Alors que le corps législatif français -l'Assemblée Nationale et le Sénat- débat toujours du Projet de Loi de Finance 2013, c'est-à-dire le budget de l’État, qui prévoit trente milliards d'euros d'économies budgétaires réparties en trois tiers -un tiers de l'effort repose sur les ménages, un tiers sur les entreprises, un tiers sur l’État-, le président américain réélu Barack Obama consacre la plupart de son énergie à sauver son pays de la fiscal cliff -falaise fiscale ou mur budgétaire-, véritable bombe à retardement pour l'économie américaine et mondiale.

 Mais qu'est-ce que la fiscal cliff


        Pour bien comprendre, il convient d'expliquer le fonctionnement du financement de l’État fédéral américain. Celui-ci n'est plus équilibré depuis près de dix ans -l'Etat dépense plus qu'il ne gagne en recettes fiscales- et l’État est contraint de financer ce déficit en ayant recours à l'emprunt. Des investisseurs privés -banques commerciales (BNP Paribas, Citigroup, Goldman Sachs etc..), des fonds spéculatifs, des fonds de pensions- prêtent à l’État américain l'argent dont il a besoin. L'endettement américain atteint désormais des records, culminant à presque 95% du PIB américain en 2011. Or, l'endettement maximal des États-Unis est fixé par le Congrès -l'équivalent de l'Assemblée nationale-, qui fixe un plafond d'endettement à ne pas franchir.

Les États-Unis, qui enregistraient un excédent budgétaire, ont vu ces derniers fondre sous l'ère Bush.

            En mai 2012, le plafond était atteint, le Congrès -tenu par les Républicains- a été forcé de négocier avec le président Obama -Démocrate- pour trouver un accord afin de relever le plafond de la dette, et donc de permettre aux administrations américaines de se financer. L'accord qui a été trouvé en juillet relève le plafond de la dette à 16 400 milliards de dollars, tout en prévoyant 600 milliards de coupes automatiques dans les budgets de l’État - et principalement les budgets sociaux : éducation, Medicaid, Medicare, Obamacare -sur lesquels je ferai un article- - ainsi que des hausses d'impôts pour le 1 janvier 2013 si entre temps aucun n'accord pour réduire le déficit public n'est trouvé.
            Le problème est là ; de telles coupes seraient un coup de poignard dans le dos pour l'économie américaine, qui peine à redécoller. Depuis sa réélection, M. Obama s'est juré de trouver un accord avec les Républicains qui tiennent toujours le Congrès. Les Républicains sont aussi particulièrement inquiets de cette fiscal cliff. En effet, ni les Républicains ni les Démocrates ne veulent passer aux yeux des Américains comme les responsables de ces coupes sombres et de ces hausses d'impôts. Cet effort fiscal représenterait 2000 dollars par an pour une famille de quatre personnes de classe moyenne.

 Un dialogue de sourds ?


            Mais des différents demeurent. Pour lutter contre le déficit et contre l'endettement, le président Obama prône une hausse d'impôt sur les Américains les plus riches -qui étaient jusqu'à présent épargnés grâce aux réductions d'impôts généralisées de l'ère George W. Bush-, le maintien des réductions Bush sur les classes moyennes et populaires et un effort budgétaire léger, qui épargnerait les programmes de protection sociale. De leurs côtés, les Républicains souhaitent principalement des coupes dans les programmes sociaux et le maintien des exonérations fiscales pour l'ensemble de la population.
            Depuis l'élection, les deux parties sont donc engagés dans une course contre la montre non seulement pour trouver un accord, mais également pour convaincre l'opinion que leur méthode est la bonne. On a par exemple vu sur Twitter l'équipe présidentielle mobiliser ses troupes avec le hashtag #My2K -"mes deux milles dollars"- qui renvoie aux 2000 dollars d'impôts supplémentaires qui devront être supportés par les familles américaines si aucun n'accord n'est trouvé. Pis encore, les coupes budgétaire dans les programmes sociaux menacent des millions d'Américains qui ne disposent que de peu de ressources.
            A l'heure où j'écris ces lignes, les Républicains menés par M. Boehner ont proposé un "plan B" reprenant leurs propositions budgétaires pour faire pression sur le président Obama. Le plan comporte des concessions, notamment les Républicains acceptent de relever les impôts sur les grandes fortunes. Mais le plan a été rejeté par M. Obama. Néanmoins, les positions se rapprochent. Les Républicains sont résignés à accepter des hausses d'impôts, mais demandent plus de concessions de la part de la Maison Blanche. A une quinzaine de jours du "mur budgétaire", les marchés restent néanmoins confiants, qui ont clôturé en hausse mardi 18 décembre.

            Plus largement, la fiscal cliff risque de faire sombrer l'économie mondiale : si la demande de consommation des ménages américains s'effondre, l'économie des pays émergents tirée par les importations américaines risque de ralentir. Si aucun accord n'est trouvé, il est certain que la crise se prolongera encore voire s'aggravera.



            Un accord a néanmoins été trouvé avant la date fatidique du premier janvier 2013. Cet accord prévoit une hausse d'impôts pour les plus aisés -les Américains qui gagnent plus de 400 000 $ par ans-. Les exonérations fiscales sur les classes moyennes et populaires ont été reconduites, tandis que des coupes légères auront lieu. Cet accord n'est qu'un compromis qui permet à la Maison Blanche et au Congrès de gagner du temps. En effet, le plafond de la dette n'a pas été relevé et 2013 sera une année de négociations entre les Républicains et les Démocrates pour relever ce plafond et, il le faudra bien, maitriser les dépenses, notamment militaires.

Sources : Le Monde, Département du Trésor, Les Échos.

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