dimanche 14 avril 2013

Dépassée, la planification ?

On considère souvent que la planification économique est dépassée, inefficace, une entrave à la liberté ; soviétique, somme toute.
Mais la planification n'est pas une exception communiste. À titre d'exemple, la France a expérimenté durant un demi siècle un modèle de planification souple. La planification française, strictement indicative, était un outil économique central jusqu'à la fin des années 1980 - début 1990. Le premier plan, le plan Monnet (1946-1952) établissait des objectifs de production dans six secteurs clés : charbon, électricité, ciment, acier, machines agricoles et logements. Si les plans n'ont pas toujours été complètement atteints, cet exemple de planification souple est intéressant, et l'on peut se demander si une forme de planification ne serait pas pertinente à l'heure du "redressement productif" de la France ?

Une planification décentralisée et flexible

Une planification effective doit être coordonnée au niveau régional. Planifier la construction d'une usine au fond des Vosges depuis Paris n'a aucun sens. La planification doit donc être assortie d'un renforcement des pouvoirs de la région, qui sera le pilote des opérations. En effet, celle-ci est suffisamment grande pour disposer d'un financement important et est suffisamment proche des territoires afin de pouvoir orienter les crédits efficacement. Par ailleurs, en étant plus proche des citoyens, elle serait plus à même de réagir à la conjoncture. 
Malheureusement, les régions restent des nains politiques et économiques : la région Alsace gère 700M€ lorsque de l'autre côté du Rhin le Bade Wurtemberg gère 37Md€. Une piste de renforcement de la région a pourtant été écartée ce week-end en Alsace. Le "non" est sorti vainqueur du référendum portant sur la fusion des départements Bas-Rhin et Haut-Rhin avec la région Alsace.
 
La planification doit être un outil indicatif et ne doit pas être obligatoire. Si planifier la construction de routes, de ponts, de voies ferrées n'est pas difficile à mettre en œuvre, planifier la production de chaussures est plus difficile. Il faut donc voir la planification comme un indicateur : la région fixerait un plan de développement industriel et moyennant aide financière et/ou technique encouragerait des entrepreneurs à lancer leur entreprise. L'idée est de permettre le développement d'une stratégie industrielle cohérente à chaque région, sans pour autant briser la liberté d'entreprendre qui est fondamentale dans l'innovation.
En outre, il est difficile pour une PME/PMI de se lancer dans certains secteurs requérant des investissements particulièrement lourds (télécommunications, sidérurgie) ; la région, pilote de la planification pourrait épauler l'entrepreneur. Concrètement, la région pourrait même choisir d'épauler en prenant des parts dans une entreprise en expansion. Le but étant encore une fois d'épauler son développement. 
La planification industrielle pourrait également jouer un rôle dans l'exportation : on pourrait accompagner des entreprises sur des marchés étrangers, européens par exemple ; c'est une bonne manière d'améliorer la compétitivité hors-coûts (c'est-à-dire les techniques de vente, la qualité du produit, etc.) qui fait tant défaut à la France.
Cette planification au niveau local aiderait principalement des PME. Les géants de l'industrie français n'ont pas besoin de financements publics pour se pérenniser.
Mais jusqu'ici les pouvoirs décrits ressemblent plus à ceux d'une "banque publique d'investissement". La région doit donc aussi pouvoir, en plus d'épauler et de piloter, planifier à proprement parler des projets industriels. Par exemple une région industrielle en reconversion comme le Nord pourrait choisir de se substituer à une initiative industrielle privée ou la renforcer, afin de créer des emplois dans des secteurs novateurs en lien avec l'histoire de la région : recyclage industriel, industrie sidérurgique (en se plaçant sur des aciers de meilleure qualité, le financement public aidant l'entreprise à se pérenniser.)
La région aurait, une fois le projet lancé et capable de se pérenniser, le choix de privatiser le groupe tout en gardant une minorité de blocage au conseil d'administration. Ce système existe déjà en Allemagne : une entreprise qui ferme un site afin de délocaliser ou qui fait faillite a pour obligation de laisser ses machines et outils de production sur le site. Site ensuite racheté par le Land qui se charge de vérifier s'il est rentable ou non. Le Land se charge ensuite de remettre à flot le site qu'il privatise une fois l'opération terminée. Le Land conserve une part des actions afin de se rembourser.
Un tel système pourrait être copié en France : il permet de limiter une fuite du capital industriel de la France.

Sources diverses. Cet article a été écrit selon mon raisonnement, largement perfectible, j'espère qu'il suscitera un débat afin de confirmer mon raisonnement, ou bien de l'infirmer.

4 commentaires:

  1. Donc en fait, le résumé de l'article c'est " que de la plannification c'est mal, mais juste un peu et ça ira"

    La plannification c'est la merveille socialo-keynesienne qui veut détruire le seul truc de stable dans les différentes économies: la loi de l'offre et de la demande.
    L'aménagement du territoire n'est aucun cas la seule responsabilité des pouvoirs publics, bien au contraire. Le pouvoir public intervient sur le territoire dans une logique économique mais pas forcement à but profitable: en fait, ils se chargent de redistribuer l'argent des contribuables en faisant croire que c'est un service presque non-marchand. Facile, ce n'est pas leur argent.
    L'entreprise, elle, est soumise aux contraintes du marché. Elle ne va pas investir là où il n'y a pas besoin (selon elle). De ce fait, elle ne crée pas de distorsions dans l'économie.

    L'aménagement par les pouvoirs publics:
    -j'estime que quelque chose doit être encouragé, au détriment du reste par conséquent. Mes critères sont purements aléatoires, de l'ordre du doigt mouillé.
    -je gâche des quantités pharaoniques en passant pas les couches et sous-couches de l'administration, entre les comissaires, les comissions, les conseils et les conseillers.
    - éventuellement je fais de belles petites bulles sur lesquelles je bâtis des modèles économiques, lesquels se trouvent sans le sou une fois l'artifice éclaté
    -je me dois alors de soutenir financièrement des entreprises dont l'existence n'a été permises que par mes savants critères.
    Sinon y a des réussites (TGV,...) bien coûteuses, mais pour combien d'échecs ?
    En plus, c'est donner du pouvoir à des barons locaux qui n'ont le plus souvent pas le moindre sens économique, mais celui des affaires est bien développé
    La plannification, tout comme l'interventionnisme économique, est vouée à l'échec. Ce qui se voit, ce qui se voit pas, toussa. Relire Bastiat (XIX è siècle)



    L'aménagement par les entreprises :
    -veut répondre à une demande, dans un objectif de profits, et donc de viabilité économique.
    -souvent à la pointe en technologie, baisse des coûts.
    -de rares cas de défaillances. Bah oui, ça arrive. L'entreprise, ça marche pas tout le temps. L'homme a ses échecs, aussi.

    Et puis la planification coûte extrêmement cher avec un (éventuel) amorti très long. Alors que la France s'apprête à être taxée et imposée comme jamais, que l'on promet de l'austérité par des hausses d'impôts sans baisses des dépenses, il serait malvenu d'annoncer des programmes pharoniques comme fuites en avant. Les fuites en avant, on voit où ça mène aujourd'hui.
    Saupoudrez de quelques miettes de scandales indutriello-politiques et d'affairisme, et c'est la voie tracée au rejet total de la classe politique.

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  2. Tout d'abord, merci pour cet article qui pourrait enfin être sujet à débat (les autres n'étant que des analyses clarifiées de l'actualité reprenant principalement les grandes lignes de la presse traditionnelle, mais agréable à la lecture).

    Certes il est louable de souhaiter dépoussiérer la pratique de la planification, et ton raisonnement ne manque pas d'ambition.

    Il y a cependant un obstacle majeur à tes propositions : la France n'est, de manière plutôt évidente, pas l'Allemagne. Tu fais par deux fois référence à nos voisins germaniques, mais tu omets de faire remarquer que les régimes français et allemands diffèrent par leur administration territoriale. Ainsi, à notre France centralisée s'oppose l'Allemagne et ses Länder hérités de 45 ; l'état fédéral allemand délègue des pouvoirs et donc également des moyens plus importants à ses Länder que ne le fait la France avec ses régions.

    Outre le fait que j'enfonce des portes ouvertes avec cette remarque, il faut considérer la base de ton argumentation, qui comporte une énorme condition. Ce "si" qui est sous entendu dans ta comparaison avec l'Allemagne est le suivant : "si nos régions avaient plus de moyens financiers, alors..." (peut-être que mon interprétation est ici erronée, je ne prétends pas posséder de science infuse). Alors tu en tires des conséquences, la planification au niveau régional. Je ne remets pas en cause cette partie de ton article (quoique l'on pourrait songer qu'une planification régionale pourrait conduire à une désorganisation de la production au niveau national pour devenir au final contre-productive).

    Mais toujours est-il que l'avènement d'une organisation française similaire de celle de l'Allemagne semble n'être pour l'heure qu'un doux rêve. Parce qu'alors la sous-division en départements deviendrait superflue, et l'on serait amené à supprimer ces structures, ce à quoi s'opposerait farouchement une majorité de Français (ne serait-ce que par principe), comme l'a montré l'échec du référendum en Alsace que tu as rappelé. Les Français semblent attachés à leurs départements, et cela s'est manifesté notamment il y a quelques années sur la réformes des plaques minéralogiques qui devait induire la suppression de l'indication de département sur les plaques. Mais la suppression du département n'est pas le seul problème, il faut aussi prendre en compte le difficile et long processus de régionalisation... (et puis, avec quels fonds subvenir aux besoins des régions?)

    Sur ce je m'arrête, après avoir totalement changé la problématique de ton article. (Mais essaye donc de convaincre que tes plans ne sont pas si idéalisés, qu'il existe une possibilité de les réaliser)

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  3. (Petit mea culpa, j'avais oublié que tu avais rédigé un article sur le FN qui avait lancé un débat le mois dernier avec en particulier une première réaction virulente. La première partie de mon message n'est donc pas totalement justifiée)

    Je voulais aussi souligner que l'idée se trouve le plus souvent confrontée au matérialisme de manière assez dure, mais il ne faut pas l'abandonner pour autant, cela permet de la maturer, de la moduler!

    Bonne continuation

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  4. De toute façon, nous vivons quoi qu'il arrive dans des sociétés planifiées.
    Dans une moindre mesure par les Etats, mais surtout par les groupes industriels.
    Ha-Joon Chang fait remarquer: imaginez un PDG fraichement arrivé qui déclarerait "Je ne crois qu'en l'offre et la demande. C'est pourquoi nous n'aurons aucune stratégie sur le long terme, nous suivrons uniquement les fluctuations du marché, quitte à changer souvent de politique".
    Ridicule n'est-ce pas?
    Les entreprises ont des stratégies: "nous sommes ici, je veux nous mener là".

    De toute façon, si la loi de l'offre et de la demande était si parfaite, pourquoi aurait on besoin de lncer de grandes campagnes de formatage des esprits par le marketing, quand on met un produit en vente?

    Cordialement. le_litchi

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