dimanche 3 mars 2013

Non, nous ne serons pas tous Chinois !

L'émergence de la Chine fait peur. M. Peyrefitte ne s'exclamait-il pas "lorsque la Chine s'éveillera, le monde tremblera" ?
Certes la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale. Son armée se renforce et se modernise, comme le témoigne la récente mise en service du premier porte avions chinois. Plus récemment, l'entreprise de sécurité informatique Mendiant a réussi à lier les attaques informatiques récurrentes contre des firmes et les institutions américaines à une unité de l'Armée Populaire de Libération, c'est-à-dire l'armée de terre chinoise. Alors, allons-nous devenir Chinois ?
Une puissance économique inégalement répartie

Évidemment, il est inutile de rappeler la force de l'économie chinoise. Il suffit de regarder le lieu de production de la plupart de nos objets quotidiens. Seulement, il est intéressant d'analyser d'où vient exactement la richesse économique chinoise. La richesse chinoise provient de son littoral, des zones dotées d'un statut de "zones économiques spéciales" - c'est-à-dire de zones où le capitalisme libéral est la règle - d'où proviennent 75% des exportations. Ces zones ont été mises en place durant l'ère Xiaoping -à partir de 1978 jusqu'au début des années 1990- et sont aujourd'hui les principaux moteurs de l'économie chinoise. Contrecoup : les zones dans l'arrière pays, plus rurales et arriérées de la Chine pâtissent d'un sous développement : le PIB/habitant d'un citadin de Shanghai est de 8000$/an lorsqu'un habitant du Yun'an touche en moyenne 1800$/an (en 2006).
Plus encore, lorsqu'on regarde la création de richesses de la Chine, celle-ci est beaucoup moins impressionnante qu'il n'y paraît :
- Premièrement l'essentiel de la production chinoise est assurée par des entreprises étrangères installées en Chine : ce n'est donc pas la Chine qui produit directement nos biens.
- Deuxièmement, si l'on regarde la composition de la production chinoise, on y trouve principalement des produits manufacturés. Et ces produits manufacturés sont principalement des habits, des jouets, des assemblages etc, mais très peu voire aucun produit à forte valeur ajoutée -la valeur ajoutée correspond à la différence entre la valeur du produit fini et la valeur des produits nécessaires à la production de ce dernier : exemple : une voiture est vendue 20 000 €, les produits qui la composent (pneus, moteurs - les "consommations intermédiaires" - coûtent au total 15 000€. On réalise la différence décrite au dessus : 20 000 - 15 000 = 5 000€. La valeur ajoutée créée dans le produit fini est donc de 5 000 €.-
Pour étayer cet argument, voyons le cas de l'iPhone : L'assemblage est effectué en Chine, mais la plupart des composants sont produits ailleurs : l'écran est produit en Corée, le processeur aux États-Unis, l'antenne en Allemagne, etc. En d'autres termes, l'essentiel de la valeur ajoutée, des composants nécessitant une technologie de pointe, est produite ailleurs dans le monde ... mais pas en Chine ! Celle-ci se contente d'assembler les différents composants. Assembler ces composants n'ajoute que 6.5$ au produit.



Une puissance militaire en devenir ?

Indéniablement, la puissance militaire chinoise se renforce. En 2000, un rapport de la RAND Corporation (une agence américaine spécialisée dans les études et prospectives en matière de défense) estimait que si l'US Air Force (USAF) avait à affronter son homologue chinoise, l'opposition offerte par celle-ci aurait été équivalente à celle de l'armée de l'air irakienne en 1991. L'USAF avait éliminé en un jour 33 appareils irakiens et déploré la perte d'un seul de ses avions. En 2010, la Chine s'est fortement améliorée : les avions ont été dotés de radars plus performants, de missiles à longue portée, d'appareils de détection avancée. La qualité générale des appareils a elle aussi augmenté. Mais fondamentalement, les nouveaux appareils mis en service (J-11 notamment) sont des copies d'appareils russes. Or, ces copies sont imparfaites. Par exemple, la Chine ne maitrise toujours pas les technologies pour construire des réacteurs, élément pourtant stratégique ! Ses appareils sont motorisés avec des réacteurs occidentaux ou russes construits sous licence.
De même, les navires militaires chinois semblent et sont plus modernes par rapport à ceux des années 1990, mais il faut rester prudent : des marins américains qui visitaient un navire chinois en escale à Hawaï ont remarqué des cloisons intérieures en contreplaqué... Enfin, la très médiatique mise en service de Liaoning, premier porte-avions chinois, doit être relativisée : assimiler les expériences et les techniques requises pour une utilisation optimale d'un porte-avions est très long.

Alors, allons-nous devenir Chinois ? 

Ma réponse est non. La Chine est pleine d'atouts et constitue une puissante qui va continuer de s'affirmer. Mais pour que la Chine dépasse un jour les États-Unis, il faudrait qu'elle batte ceux-ci dans le domaine où ils sont les plus forts : l'innovation. Car la réalité économique est ce qu'elle est : la Chine n'est qu'une usine du monde qui assemble les produits inventés par les multinationales étrangères. L'innovation chinoise est d'autant plus limitée que le régime chinois reste dictatorial et étouffe les libertés individuelles, et donc l'innovation. Le risque qui guette la Chine et le même que celui qui a touché l'URSS : les ingénieurs soviétiques étaient ingénieux, à n'en pas douter, mais le régime soviétique leur interdisait la possibilité de mettre en application leurs idées. Tant que la Chine ne se démocratisera pas, le pays restera une simple usine.
 
Mise à jour : François Hollande en Chine, la France et la Chine :

Il y a quelques jours, François Hollande se rendait pour la première fois en Chine, au programme : accords économiques, contrats, etc. Mais une question pertinente s'est posée avec ce voyage en Chine : que représente la France au yeux de la Chine ? Notre poids économique est en relative diminution. Nos voisins allemands attirent beaucoup plus la Chine, pour des raisons économiques -l'Allemagne fournit une partie importante des machines-outils de précision mais aussi des outils industriels de haute technologie dont la Chine a tant besoin.- que technologiques -la Chine compte sur des transferts de technologies dans les domaines qui lui font défaut-. Pourtant, il ne faut pas croire que la France est négligeable aux yeux de Pékin.
D'abord, nos relations diplomatiques ont toujours été plutôt bonnes. Le Général De Gaulle fut le premier dirigeant d'un pays occidental à reconnaître la République Populaire de Chine en 1964. Ce simple geste est pourtant resté important aux yeux des Chinois. Mais d'un point de vue plus pragmatique : la France a un savoir-faire dans le nucléaire, l'aéronautique et encore le BTP écologique. Or la Chine a besoin de logements, elle a aussi besoin d'électricité plus propre que ses milliers de centrales au charbon. Elle aimerait aussi être indépendante dans des domaines stratégiques : construire des carlingues c'est bien, mettre des réacteurs qui marchent dedans c'est mieux. Bref, dans ces domaines, la Russie, traditionnelle fournisseur de la Chine dans ces domaines, est méfiante : trop de ses appareils ont été copiés, tandis que la France, elle, cherche des contrats. Il y a donc une possibilité de partenariat économique, avec des risques et des intérêts.
Mais au-delà des contrats, il faudrait que la France et la Chine renforcent leur coopération au niveau des universités. Une de mes connaissances a choisi de partir étudier en Chine. Ce genre de comportement est à encourager, il faut favoriser la mobilité de nos étudiants respectifs. Renforcer les coopérations entre les universités et les instituts technologiques : d'une part car toute coopération est bonne, d'autre part car la coopération permet à chaque partie de se comprendre mieux. Or, lorsque l'on travaille ensemble et que l'on se comprend bien, on s'apprécie. Ce renforcement de la coopération entre nos pays serait un moyen bénéfique pour les deux nations de renforcer la relation forte qui les lient.

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